Qui est le patron des charpentiers ? histoire et rôle dans le métier de charpentier
Couvreur

Qui est le patron des charpentiers ? histoire et rôle dans le métier de charpentier

Un saint perché : Saint Joseph, patron des charpentiers

Quand on parle de patron chez les charpentiers, il ne s’agit pas du chef de chantier ou du maître d’œuvre, non. Là, on lève les yeux un peu plus haut – vers le ciel, et plus exactement vers Saint Joseph. Oui oui, celui-là même qu’on connaît souvent comme le père adoptif de Jésus. Mais peu savent qu’il est aussi le saint patron des charpentiers, des menuisiers, et plus largement de tous ceux qui travaillent le bois avec leurs mains calleuses et leur cœur solide.

Pourquoi lui ? Parce que dans la tradition chrétienne, Joseph était charpentier de métier. Il a transmis son savoir-faire à son fils, ce qui fait de lui une figure d’humilité, de travail bien fait, et de dévotion. Bref, un gars droit dans ses bottes, qui symbolise assez bien ce qu’est un vrai charpentier : discret, costaud et indispensable.

D’ailleurs, il n’est pas rare sur les vieux chantiers – ou même encore aujourd’hui, dans certaines compagnies – de voir son image accrochée à l’atelier ou glissée entre deux poutres. Un petit clin d’œil spirituel, une présence rassurante. Les anciens disaient que ça portait bonheur de commencer un chantier sous la protection de Saint Joseph. Allez savoir…

Un métier à la croisée du ciel et de la terre

Être charpentier, ce n’est pas juste aligner des morceaux de bois et les faire tenir ensemble. C’est une alchimie entre la précision de l’ingénieur, la force de l’ouvrier, et parfois l’intuition de l’artiste. En toiture, surtout chez nous à Lyon, entre la pente des toits, les chevrons bien calés et les sablières centenaires, le rôle du charpentier est fondamental. Pas de bonne couverture sans solide charpente !

Et pourtant, ce métier-là est souvent dans l’ombre, un peu comme Saint Joseph lui-même. Il œuvre sans faire de bruit, mais tout tient grâce à lui. C’est peut-être pour cela que cette figure-là, modeste et travailleuse, a été choisie comme guide spirituel.

Faire une toiture, monter une ferme, restaurer une charpente vieille de 300 ans… ça demande du doigté, de l’expérience et un sacré amour du bois. Et croyez-moi, ce n’est pas une affaire de scie circulaire seulement. On travaille parfois avec des outils que nos grands-pères utilisaient déjà, et chaque nœud dans une poutre raconte une histoire. Les charpentiers sont des passeurs, autant que des bâtisseurs.

Des fêtes et traditions qui perdurent

La Saint-Joseph, le 19 mars, c’est la date que beaucoup, dans le bâtiment, connaissent bien. C’est le moment de faire une trêve, de boire un verre entre copains de chantier et de rendre hommage à ce « patron » un peu particulier. Dans certaines régions, on organise même une messe en son honneur, suivie d’un bon repas. À l’ancienne, quoi.

J’ai encore en tête cette journée bénie d’un 19 mars où, avec l’équipe, on venait de finir la pose d’un faîtage sur une vieille bâtisse de pierres dorées du Beaujolais. Le chef nous sort une bonne bouteille de rouge bien planquée dans la caisse à outils – un clin d’œil à Saint Joseph, « le charpentier du charpentier », comme il disait. Une simple pause, cinq minutes de fraternité, mais qui fonctionnaient comme un vrai ciment.

Un repère moral autant que spirituel

Ce n’est pas qu’une histoire de foi ou de religion. C’est aussi une question de symbole. Saint Joseph, c’est le modèle du gars fiable. Celui qui prend soin de sa famille, qui bosse honnêtement, en silence, avec rigueur. Dans un métier comme le nôtre, où les intempéries, les imprévus et les clients pressés peuvent nous secouer comme une toiture en pleine tramontane, avoir une figure rassurante, même symbolique, ça ancre.

Sur les chantiers, on entend parfois : « Fais pas le boulot à moitié, Joseph te regarde. » Bien sûr, on rigole, mais il y a dedans une vérité profonde. La fierté de livrer un ouvrage bien fait, solide, qui tiendra des décennies. C’est ce genre de valeurs que ce patron-là incarne.

La transmission du métier : entre geste et héritage

Encore aujourd’hui, dans nombre de compagnons charpentiers, la référence à Saint Joseph ne se perd pas. Et c’est pas juste pour faire joli sur un blason ou un document d’apprentissage. C’est parce que ce métier se transmet. De génération en génération, d’homme à homme, parfois de femme à homme — et vice-versa bien sûr ! — par l’observation, la pratique, la sueur.

On apprend à sentir si un bois est sain d’un simple coup de maillet. À deviner les tensions dans une pièce de chêne rien qu’en la maniant. Ce genre de savoir ne vient pas d’un livre ; il se gagne au bout de mille erreurs et dix mille gestes répétés. Et dans cet effort, on s’attache à ces symboles, à ces repères. Saint Joseph, c’est un peu l’ancien du coin, celui qui a tout vu, tout vécu, et qui continue de veiller, même silencieusement.

Un métier en perpétuelle évolution, mais des valeurs qui restent

Il est loin le temps où l’on montait les charpentes à la main, à coups de corde et d’échafaudages en bois clouté. Aujourd’hui, on bosse avec des grues, des outils laser, de l’ossature bois prête en atelier. Et pourtant, il suffit d’un bon vieux chantier en rénovation pour retrouver l’odeur du bois vert, le chant du rabot sur le sapin, et le plaisir du trait bien tiré au cordeau.

Quel que soit le niveau d’industrialisation, de préfabrication ou de technologie, les fondamentaux restent les mêmes : fiabilité, patience, précision. Le métier évolue, c’est vrai – il le faut ! La RT 2012, la RE 2020, les règles parasismiques… on doit tout intégrer. Mais le geste du charpentier, lui, reste chargé de symboles et de respect.

Pourquoi le charpentier moderne devrait-il encore regarder vers son “patron” ?

On pourrait penser – à tort – que ces références aux saints, aux traditions, sont dépassées. Et pourtant, dans un monde qui va toujours plus vite, où le bois devient chiffre, devis, rendement… se rappeler la figure de Saint Joseph, c’est remettre un peu d’âme dans le métier. Une manière de dire que le charpentier ne fait pas que monter des morceaux de bois : il construit des lieux de vie, il donne forme à des rêves et il s’inscrit dans un héritage.

Et puis franchement, dans les moments où tout va de travers – poutre mal taillée, pluie torrentielle en plein montage, client encore indécis alors que les sablières sont prêtes – un petit coup d’œil vers le ciel, un soupir et un « Allez Joseph, file-moi un coup de main », ça ne fait pas de mal.

Et dans la famille des métiers du toit ?

Les couvreurs aussi ont leurs traditions, croyez-moi ! Beaucoup d’entre nous travaillaient main dans la main avec les charpentiers, voire l’étaient eux-mêmes avant de se spécialiser. Alors leur respect pour Saint Joseph, ils le partagent aussi. Sur les toits de Lyon, dans la Croix-Rousse ou le Vieux-Lyon, j’en ai vu des charpentiers poser les dernières arêtiers avec un soin presque religieux.

Et puis, soyons honnêtes : une charpente bien posée, c’est la base d’une couverture pérenne. Une toiture légère sur une structure boîteuse, c’est comme pisser dans un violon. On peut poser les plus belles ardoises ou les plus rutilants tuiles vernissées, si la charpente n’est pas fiable, tout finira au sol au premier coup de vent.

Alors, à tous les couvreurs, menuisiers, et bâtisseurs de l’ombre qui passent ici : n’oublions pas d’où l’on vient. Dans chaque lambourde, dans chaque ferme, il y a un peu de l’esprit des anciens. Et peut-être, quelque part entre deux chevrons bien ajustés, une bénédiction discrète de Saint Joseph lui-même.